
La marque bleue indique le paragraphe de référence dans le Rapport Mapping
18. La deuxième période s’intéresse aux violations qui auraient été perpétrées pendant la première guerre et la première année du régime mis en place par le Président Laurent- Désiré Kabila et répertorie le plus grand nombre d’incidents de toute la décennie examinée, soit 238. Les informations disponibles aujourd’hui suggèrent l’importance du rôle des États tiers dans la première guerre et leur implication directe dans cette guerre qui a mené au renversement du régime de Mobutu18. Au début de la période, des violations sérieuses ont été commises à l’encontre de civils tutsi et banyamulenge19, principalement au Sud-Kivu. Puis cette période a été caractérisée par une apparente poursuite impitoyable et des massacres de grande ampleur (104 incidents répertoriés) de réfugiés hutu, de membres des anciennes Forces armées rwandaises (appelées par la suite ex-FAR) ainsi que de milices impliquées dans le génocide de 1994 (les Interahamwe) prétendument par les forces de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Une partie des troupes, de l’armement et de la logistique étaientaparemment fournis par l’Armée patriotique rwandaise (APR), par la « Uganda People’sDefence Force » (UPDF) et par les Forces armées burundaises (FAB) à travers tout le territoire congolais. Les réfugiés hutu, que les ex-FAR/Interahamwe semble avoir parfois encadrés et employés comme boucliers humains au cours de leur fuite, ont alors entrepris un long périple à travers le pays qu’ils ont traversé d’est en ouest en direction de l’Angola, de la République centrafricaine ou de la République du Congo. Cette période aurait égalementété marquée par de graves attaques contre les autres populations civiles, dans toutes les provinces sans exception, notamment par les Forces arméeszaïroises (FAZ) en repli vers Kinshasa, les ex-FARInterahamwe fuyant devant l’AFDL/APR et les Mayi-Mayi20.
178. À partir du mois de juillet 1996, les éléments armés banyamulenge151/tutsi, qui avaient quitté le Zaïre afin de suivre un entraînement militaire au sein de l’Armée patriotique rwandaise (APR) au Rwanda, et des militaires de l’APR ont entamé, via le Burundi, leurs opérations d’infiltration dans la province du Sud-Kivu et, à travers l’Ouganda, leurs opérations de déstabilisation du Nord-Kivu. Les premiers accrochages sérieux entre les FAZ et les infiltrés ont eu lieu le 31 août 1996 près d’Uvira dans la province du Sud-Kivu. Le 18 octobre, le conflit a pris un tournant nouveau avec la création officielle à Kigali d'un mouvement armé affirmant vouloir chasser du pouvoir le Président Mobutu, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL)152. Sous le couvert de l’AFDL, dont les propres troupes, l’armement et la logistique étaient fournis par le Rwanda, les militaires de l’APR, de l’Uganda People’s Defence Force (UPDF) et des Forces armées burundaises (FAB) sont entrés en masse au Zaïre et ont entrepris la conquête des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu et du district de l’Ituri153.
179. Au cours de cette conquête fulgurante, les éléments de l’AFDL, de l’APR et des FAB ont attaqué et détruit tous les camps de réfugiés hutu rwandais et burundais installés dans les environs d’Uvira, de Bukavu et de Goma. Plusieurs centaines de milliers de réfugiés rwandais sont retournés au Rwanda mais des centaines de milliers d’autres ont, tout comme les ex-FAR/Interahamwe, pris la fuite en direction des territoires de Walikale (Nord-Kivu) et de Shabunda (Sud-Kivu). Pendant plusieurs mois, les militaires de l’AFDL/APR se sont lancés à leur poursuite, détruisant systématiquement les camps de fortune des réfugiés et persécutant tous ceux qui leur venaient en aide.
180. À partir de décembre 1996, le Gouvernement de Kinshasa a tenté de mener une contre-offensive à partir de Kisangani et de Kindu avec l’aide des ex-FAR/Interahamwe.
La réorganisation de l'armée zaïroise en déliquescence s'est cependant avérée impossible à mettre en oeuvre en un temps aussi court. Renforcées à partir de février 1997 par des militaires katangais opposés au Président Mobutu et ayant servi dans l’armée gouvernementale angolaise (les ex-Tigres) depuis les années 1970, ainsi que par des enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA)154, communément appelés les « Kadogo » (« les petits » en swahili), recrutés au fil des conquêtes, les troupes de l’AFDL/APR/UPDF ont réussi à prendre le contrôle de Kisangani le 15 mars 1997 et celui de Mbuji Mayi et Lubumbashi au début du mois d’avril. Après la chute de Kenge au Bandundu, les troupes de l'AFDL/APR et leurs alliés sont arrivés aux portes de la capitale et le Président Mobutu a dû se résoudre à quitter le pouvoir. Le 17 mai 1997, les troupes de l'AFDL/APR sont entrées dans Kinshasa et le 25 mai, le Président de l'AFDL, Laurent-Désiré Kabila, s'est autoproclamé Président de la République, rebaptisant en même temps le pays « République démocratique du Congo ». En quelques mois cependant, les mesures autoritaires prises par le Président Kabila, la remise en cause des contrats signés avec plusieurs entreprises étrangères et le refus de coopérer avec l’équipe spéciale envoyée par le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies pour enquêter sur le massacre des réfugiés dans l’est congolais ont fait perdre au nouveau régime ses principaux soutiens sur le plan international.
18 Dans une interview accordée au Washington Post le 9 juillet 1997, le Président rwandais Paul Kagame (Ministre de la défense à l’époque) a reconnu que des troupes rwandaises avaient joué un rôle clef dans la campagne de l’AFDL. Selon le PrésidentKagame, le plan de bataille était composé de trois éléments: a démanteler les camps de réfugiés, b détruire la structure des ex-FAR et des Interahamwebasés dans les camps et autour des camps et c renverser le régime de Mobutu. Selon l’article, le Rwanda avait planifié la rébellion et y avait participé en fournissant des armes et des munitions et des facilités d’entraînement pour les forces rebelles congolaises. Les opérations, surtout les opérations clefs, ont été dirigées, selon Kagame, par des commandants rwandais de rang intermédiaire (« Mid-levelcommanders »). Washington Post, « RwandansLedRevolt in Congo », 9 juillet 1997. Voir également l’entretien accordé par le général James Kabarebe, l’officier rwandais qui a dirigé les opérations militaires de l’AFDL, à l’Observatoire de l’Afrique centrale : « Kigali, Rwanda. Plus jamais le Congo », Volume 6, numéro 10 du 3 au 9 mars 2003. Voir également les interviews télévisées du Président de l’Ouganda, du Président du Rwanda et du général James Kaberere expliquant en détail leurs rôles respectifs dans cette première guerre, dans « L’Afrique en morceaux », documentaire réalisé par Jihan El Tahri, Peter Chappell et Hervé Chabalier, 100 minutes, produit par canal Horizon, 2000.
19 Le terme « Banayamulenge » s’est popularisé à partir de la fin des années 60 afin de distinguer les Tutsi installés de longue date au Sud-Kivu, les Banyamulenge, de ceux arrivés à partir des années 60 comme réfugiés ou immigréséconomiques. Banyamulenge signifie « gens de Malenge », du nom d’unelocalité située dans le territoire d’Uvira où les Tutsi sont très nombreux. Avec le temps, cependant, le terme Banyamulenge a de plus en plus été utilisé de façon vague et pour désignerindifféremment tous les Tutsi zaïrois ou congolais et parfois rwandais.
20 Le terme « Mayi-Mayi » désigne en RDC des groupes de combattants armés ayant recours à des rituels magiques spécifiques comme les ablutions d’eau (« Mayi » en swahili) et le port d’amulettespréparées par des sorciers censés les rendre invulnérables et les protéger des mauvais sorts. Présents essentiellement au Sud-Kivu et au Nord-Kivu, mais aussi dans d’autres provinces, les différents groupes Mayi-Mayi comprenaient des forces arméesdirigées par des seigneurs de guerre, des chefs tribaux traditionnels, des chefs de village et des dirigeants politiques locaux. Les Mayi-Mayi manquaient de cohésion et les différents groupes ont été alliés à divers gouvernementssréguliers ou forces armées à différents moments.
151 Le terme « banyamulenge » s’est popularisé à partir de la fin des années 1960 afin de distinguer les Tutsi installés de longue date au Sud-Kivu, les Banyamulenge, de ceux arrivés à partir des années 1960, comme réfugiés ou immigrés économiques. Banyamulenge signifie « gens de Mulenge » du nom d’une localité située dans le territoire d’Uvira où les Tutsi sont très nombreux. Avec le temps cependant le terme « banyamulenge » a de plus en plus été utilisé de façon vague et pour désigner indifféremment tous les Tutsi zaïrois/congolais et parfois rwandais.
152 À partir du second semestre 1995, les autorités rwandaises, en concertation avec celles de Kampala, ont engagé les préparatifs en vue de faciliter une intervention militaire massive de l’APR et de l’UPDF en territoire zaïrois, sous couvert d’une rébellion interne. Afin de permettre à cette rébellion d’émerger, les responsables rwandais et ougandais ont demandé aux Tutsi du Zaïre servant déjà depuis plusieurs années au sein du FRP et de l’APR de les aider à recruter en masse dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu afin de mettre sur pied une rébellion banyamulenge. Ils ont aussi pris contact avec des responsables de petits groupes rebelles zaïrois en lutte depuis des décennies contre le Président Mobutu [le Conseil national de résistance pour la démocratie – CNRD- d’André Kisase Ngandu et le Parti de la Révolution Populaire (PRP) de Laurent-Désiré Kabila] de façon à donner à cette rébellion une dimension nationale. Outre le CNRD d’André Kisase Ngandu, Président de l’AFDL jusqu’à son assassinat en janvier 1997, et le PRP de Laurent-Désiré Kabila, l’AFDL comprenait également le parti de l’Alliance démocratique des peuples (ADP) de Déogratias Bugera et le Mouvement révolutionnaire pour la libération du Zaïre (MRLZ) d’Anselme Masasu Nindaga.
153 Compte tenu de la forte présence des militaires de l’APR parmi les troupes et les postes de commandement de l’AFDL – une réalité reconnue à posteriori par les autorités rwandaises (voir note de bas de page 887)– et de la grande difficulté éprouvée par les témoins interrogés par l’Équipe Mapping pour distinguer les membres de l’AFDL et ceux de l’APR sur le terrain, il sera fait référence aux éléments armés de l’AFDL et aux militaires de l’APR engagés dans les opérations au Zaïre entre octobre 1996 et juin 1997 en utilisant le sigle AFDL/APR. Lorsque dans certaines régions plusieurs sources attestent de la forte présence sous couvert de l’AFDL des militaires ougandais (comme dans certains districts de la province Orientale) ou des Forces armées burundaises (comme dans certains territoires du Sud-Kivu), les sigles AFDL/APR/UPDF, AFDL/APR/FAB ou AFDL/UPDF et AFDL/FAB pourront être aussi utilisés.
181. Depuis les années 1980, la question de la nationalité des Tutsi vivant au Sud-Kivu était, comme celle des Banyarwanda au Nord-Kivu, un sujet de polémique. La plupart des Tutsi du Sud-Kivu affirmaient être des Zaïrois banyamulenge155, c'est-à-dire des descendants des Tutsi du Rwanda et du Burundi installés dans les Haut Plateaux des territoires d’Uvira et de Fizi avant le partage colonial de 1885. Les autres communautés considéraient à l’inverse que la plupart des Tutsi vivant au Sud-Kivu étaient des réfugiés politiques ou des immigrés économiques arrivés au cours du XXe siècle et ils leur contestaient le droit à la nationalité zaïroise. La décision prise en 1981 par le Président Mobutu d’abroger la loi de 1972 par laquelle il avait accordé la nationalité zaïroise de manière collective aux populations originaires du Rwanda et du Burundi présentes sur le territoire zaïrois avant le 1er janvier 1950 avait conforté la position des communautés dites « autochtones ». Depuis lors en effet, la suspicion quant à la nationalité réelle des Tutsi du Sud-Kivu était devenue générale et aucun député tutsi n’avait pu être élu dans la province. Comme au Nord-Kivu en 1989, la controverse sur la nationalité dite « douteuse » des Tutsi de la province avait d’ailleurs conduit au report des élections. Pour autant, en l’absence de conflit foncier majeur et eu égard à l’importance numérique relativement faible de la communauté banyamulenge et tutsi dans la province, la libéralisation politique du régime après 1990 n’avait pas débouché au Sud-Kivu sur le même degré de violence et de manipulation tribaliste qu’au Nord-Kivu. ...
189. Suite au déclenchement de la guerre dans les Kivu, la population de Kinshasa s’est montrée de plus en plus hostile envers les Rwandais et les populations d’origine rwandaise, notamment les Tutsi qu’ils accusaient systématiquement d’être d’intelligence avec l'AFDL/APR. ...
190. Suite au déclenchement de la première guerre et à l’avancée des troupes de l’AFDL/APR à travers la province Orientale, les services de sécurité zaïrois et la population de Kisangani ont adopté un comportement de plus en plus hostile envers les Rwandais et les populations d’origine rwandaise, notamment les Tutsi qu’ils accusaient systématiquement d’être d’intelligence avec l'AFDL/APR. ...
191. Après leur installation au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, en juillet 1994, les ex-FAR/Interahamwe ont utilisé les camps de réfugiés situés le long de la frontière avec le Rwanda et le Burundi comme des arrière-bases et des camps d'entraînement. Mettant à profit l'alliance stratégique conclue depuis plusieurs décennies avec le Président Mobutu et le niveau de corruption régnant au sein des FAZ, les ex-FAR ont racheté ou récupéré le matériel militaire confisqué à leur arrivée au Zaïre et ont repris la guerre contre l’armée du Front patriotique rwandais, devenue entre-temps, l’armée nationale du Rwanda, l’Armée patriotique rwandaise (APR).
192. Face à la montée des tensions entre le Zaïre et le Rwanda, plusieurs États ont proposé d'éloigner les camps de réfugiés de la frontière. Certains ont aussi recommandé le déploiement d’une force internationale de maintien de la paix et l’ouverture de négociations au niveau régional. Mais, faute de financement suffisant, de volonté politique et de stratégie adaptée pour séparer les combattants des réfugiés, les camps n'ont pas été déplacés et les éléments ex-FAR et Interahamwe ont continué à s'armer en vue d'une reprise du pouvoir à Kigali par la force. Du fait de la présence de nombreux génocidaires parmi les ex-FAR, de l’isolement diplomatique croissant du Président Mobutu et du refus des nouvelles autorités rwandaises d’ouvrir des négociations, aucune solution politique n'a pu être dégagée et les attaques des ex-FAR/Interahamwe au Rwanda se sont multipliées de même que les incursions de l’APR sur le territoire zaïrois.
À partir du mois d’août 1996, des éléments armés banyamulenge/tutsi, mais aussi des militaires de l’APR et des FAB, se sont infiltrés au Sud-Kivu. Ils ont attaqué les FAZ et les ex-FAR/Interahamwe mais aussi et surtout les camps de réfugiés dont certains servaient d’arrière-bases aux ex-FAR/Interahamwe et aux groupes armés hutu burundais (CNDD-FDD et PALIPEHUTU-FNL).
193. Toute cette période a été caractérisée par une poursuite impitoyable des réfugiés hutu, des ex-FAR/Interahamwe par les forces de l’AFDL/APR à travers tout le territoire congolais. Les réfugiés, que les ex-FAR/Interahamwe ont parfois encadrés et utilisés comme boucliers humains au cours de leur fuite, ont alors entrepris un long périple à travers le pays qu’ils ont traversé d’est en ouest en direction de l’Angola, de la République centrafricaine ou de la République du Congo. Au cours de ce périple, des ex-FAR/ Interahamwe et des réfugiés auraient parfois commis des exactions, dont un grand nombre de pillages, à l’encontre des populations civiles zaïroises.
194. Après les massacres survenus au Burundi fin 1993178 et la prise de pouvoir par le FPR au Rwanda en 1994, plusieurs centaines de milliers de réfugiés hutu burundais et rwandais ainsi que des éléments ex-FAR/Interahamwe et des rebelles burundais du CNDD-FDD avaient trouvé refuge dans la province du Sud-Kivu. Fin 1994, les éléments ex-FAR/Interahamwe ont multiplié les incursions, parfois meurtrières, au Rwanda afin de reprendre le pouvoir par la force. À partir de 1995, l’Armée patriotique rwandaise (APR) a mené au moins deux raids au Zaïre afin de les neutraliser. ...
211. En octobre 1996, le HCR estimait à 717 991 le nombre de réfugiés rwandais présents dans la province du Nord-Kivu. La plupart vivaient dans les cinq camps situés autour de la ville de Goma. Les camps de Kibumba (194 986), Katale (202 566), Kahindo (112 875) se trouvaient sur la route de Rutshuru, au nord de Goma. Les camps de Mugunga (156 115) et lac Vert (49 449) étaient situés sur la route de Sake, à moins de 10 kilomètres à l’ouest de Goma220. Bien que la grande majorité des réfugiés étaient des civils non armés, ces camps servaient également d´arrière-bases aux militaires ex-FAR (particulièrement nombreux dans le camp du lac Vert) et aux miliciens Interahamwe (particulièrement nombreux dans le camp de Katale) pour mener de fréquentes incursions en territoire rwandais221. ...
236. À compter de la fin de 1996, le Gouvernement zaïrois a massé ses forces à Kindu et Kisangani en vue de lancer une contre-offensive dans les Kivu. Les premiers réfugiés sont arrivés dans la province du Maniema début 1997 en provenance du territoire de Walikale, au Nord-Kivu. Ils se sont tout d’abord dirigés vers la ville de Kisangani mais ont été bloqués par les FAZ et détournés sur le site de Tingi-Tingi, à 7 kilomètres de Lubutu, à proximité d’un aérodrome. Au cours des semaines qui ont suivi, près de 120 000 réfugiés se sont installés dans un camp de fortune à Tingi-Tingi. Au même moment, 40 000 autres hutu rwandais, parmi lesquels une majorité d’ex-FAR/Interahamwe sont arrivés dans le village d’Amisi, à 70 kilomètres à l’est de Tingi-Tingi. Dès le début de 1997, les ex-FAR/Interahamwe ont utilisé le camp de Tingi-Tingi comme base de recrutement et d'entraînement en vue de mener une contre-offensive conjointe avec les FAZ contre les troupes de l’AFDL/APR. Une coordination très étroite s’est instaurée entre les FAZ et les ex-FAR/Interahamwe. Les FAZ ont notamment fourni aux ex-FAR/Interahamwe des armes, des munitions et des uniformes. ...
240. À l’exception du groupe de militaires accompagnant l’entourage de l’ancien Président rwandais Habyarimana qui a rapidement traversé la région entre fin 1996 et début 1997, l’immense majorité des réfugiés rwandais n’est arrivée dans la province Orientale qu’en mars 1997. Alors qu’ils tentaient d’atteindre Kisangani en compagnie d’un nombre extrêmement réduit d’éléments des ex-FAR/Interahamwe via la route Lubutu-Kisangani, sur la rive droite de la rivière Luluaba (ou fleuve Congo)270, ils ont été repoussés par les FAZ vers Ubundu, à 100 kilomètres au sud de Kisangani, sur la rive gauche de la rivière Luluaba. ...
258. Les premiers réfugiés sont arrivés dans la province de l’Équateur en décembre 1996. Ce premier groupe comprenait principalement de hauts dignitaires civils et militaires de l’ancien régime rwandais. Ils sont rapidement partis jusqu’à Zongo via Gemena ou Gbadolite puis ont traversé l’Oubangui pour arriver en République centrafricaine. Les réfugiés, pour la plupart, n’ont atteint la province de l’Équateur qu’en mars et avril 1997. Ils sont arrivés à pied après avoir traversé la forêt à l’ouest de l’axe Kisangani-Ubundu et ont pris la route en direction d’Ikela. Ils ont progressé ensuite à l’intérieur de la province en suivant l’axe Ikela-Boende, dans le district de la Tshuapa. Ils se déplaçaient, pour la plupart, en groupes de 50 à 200 personnes, accompagnés de quelques hommes armés. Certains groupes étaient constitués exclusivement d’ex-FAR et de miliciens Interahamwe. Comme dans les autres provinces, lors de leur passage dans les villages, ces derniers ont commis des exactions à l’encontre de la population civile. Les militaires de l’AFDL/APR ont, de leur côté, atteint la province de l’Équateur au cours d’avril en passant par Isangi puis Djolu. ...
269. Pendant leur fuite, les membres des différents services de sécurité du Président Mobutu et les ex-FAR/Interahamwe auraient tué de nombreux civils et commis des viols et des pillages. Au cours de leur progression vers Kinshasa, outre les réfugiés, les militaires de l’AFDL/APR auraient massacré un grand nombre de Banyarwanda hutu. Ils auraient aussi éliminé de nombreux civils soupçonnés d’avoir aidé les ex-FAR/Interahamwe et les groupes armés hutu burundais, d’avoir participé aux tueries des Tutsi/Banyamulenge, d’avoir aidé les réfugiés en fuite ou de soutenir le régime du Président Mobutu. Après l’arrivée au pouvoir à Kinshasa du Président Laurent-Désiré Kabila, les forces de sécurité du nouveau régime auraient commis de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des civils considérés comme hostiles au nouveau régime et au maintien de la présence des militaires de l’APR en territoire congolais.
270. Après avoir pris le contrôle du camp militaire de Rumangabo, entre Goma et Rutshuru, à proximité de la frontière avec le Rwanda, les troupes de l’AFDL/APR ont lancé le 29 octobre 1996 une attaque sur Goma. ...
282. Au cours de leur conquête du Sud-Kivu, des « éléments armés banyamulenge/tutsi », des forces de l’AFDL, de l’APR et des FAB382 ont commis de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire à l'encontre des civils zaïrois considérés comme hostiles aux communautés tutsi/banyamulenge locales ou proches de leurs ennemis (les FAZ, les ex-FAR/Interahamwe, les groupes armés hutu burundais, les « éléments armés bembe » et les groupes Mayi-Mayi en général). De nombreux chefs coutumiers ont également été tués au cours de la période pour des motifs politiques et ethniques ou tout simplement afin de pouvoir ensuite piller leurs biens. ...
284. En décembre 1996, le Président Mobutu a envoyé en province Orientale et dans le Maniema ses troupes d'élite ainsi que d’importants stocks d’armes. Des mercenaires, ainsi que les ex-FAR, ont été intégrés dans le dispositif militaire zaïrois. La contreoffensive promise par le Gouvernement de Kinshasa dans les provinces des Kivu n’a cependant jamais eu lieu en raison de l’état de déliquescence du régime mobutiste, de la désorganisation régnant au sein des FAZ et de la bonne préparation par les militaires de l’AFDL/APR/ UPDF de leurs attaques sur Kindu et Kisangani. ...
291. Le 24 février 1997, les FAZ ont fui la ville de Kindu et les troupes de l’AFDL/APR sont entrées dans la ville le 27 février. ...
292. Au cours de leur retraite, des éléments des FDD419 venus du Sud-Kivu sont arrivés dans le nord de la province du Katanga. Ils ont tué des civils et pillé des villages, notamment dans les territoires de Moba et Pweto. ...
294. Après la chute de Kisangani, le 15 mars 1997, les militaires des FAZ se sont enfuis dans le plus grand désordre vers l'ouest du pays. En chemin, ils ont été rejoints par des groupes de réfugiés rwandais. Au cours de leur retraite, les FAZ, les ex-FAR/Interahamwe et des réfugiés rwandais ont pillé de nombreux biens civils et des bâtiments publics, détruisant des infrastructures, parmi lesquelles des hôpitaux, des centres sanitaires, des écoles et des lieux de culte. ...
297. Les forces de l’AFDL/APR sont arrivées à Kananga le 12 avril 1997. ...
298. En mai 1997, les deux villes principales de la province de Bandundu, Bandundu ville et Kikwit, sont tombées aux mains des troupes de l’AFDL/APR sans résistance. Dans un ultime effort pour arrêter la progression de l’AFDL/APR vers Kinshasa, l’état-major zaïrois a envoyé à Kenge, à environ 200 kilomètres de Kinshasa, des FAZ, des troupes de la DSP ainsi que des éléments de l’UNITA438, des ex-FAR et des mercenaires de diverses nationalités439. À leur arrivée à proximité de Kenge, le 4 mai, ces troupes se sont fait passer pour des éléments de l’AFDL/APR afin de tester la loyauté de la population envers le régime du Président Mobutu. Impatients de voir arriver l’AFDL, certains habitants de Kenge avaient déjà détruit des symboles de l’autorité étatique, qui avait fui par peur de l’arrivée des rebelles, et préparé des banderoles de bienvenue à l’intention des soldats de l’Alliance. ...
299. Au cours des jours suivant la prise de Kinshasa, les troupes de l’AFDL/APR et leurs alliés ont commis des exécutions sommaires, des actes de torture provoquant parfois la mort ainsi que des viols. Entre le 18 et le 22 mai 1997, à Kinshasa et dans ses environs, les équipes de volontaires de la Croix-Rouge nationale ont ramassé entre 228 et 318 corps. Ils ont également évacué plus d'une dizaine de blessés dans divers hôpitaux et cliniques de la ville444. Les militaires de la DSP ont été particulièrement visés, de même que les anciens dignitaires du régime de Mobutu. Des civils ordinaires ont aussi été victimes de graves violations. De nombreuses personnes ont notamment été arrêtées arbitrairement et détenues dans des conditions propres à entraîner de lourdes pertes en vies humaines. En octobre 1997, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en RDC a signalé au Gouvernement plus de 40 cas de torture445. ...
301. Fin septembre 1997, plusieurs quartiers de Kinshasa ont été touchés par des tirs d’obus tirés depuis Brazzaville par les groupes armés en conflit pour le contrôle de la présidence en République du Congo. Les FAC/APR ont réagi en tirant pendant deux jours sur Brazzaville au lance-roquettes. ...